Les chiens les plus bruyants ne sont pas les plus dangereux

Mon journal de bord de ce26/7, jour où j’ai failli être lynché 3 fois…  

Des soulèvements populaires contre la MONUSCO accusée gravement ici ont lieu en ce moment dans les 3 villes où je passe : j’ai quitté Butembo hier sous les premières manif, alors que les « Forces de l’ordre » tiraient déjà à Goma pour disperser la foule. Ça ‘crépitait’ (comme on dit ici) à Butembo quand je suis arrivé à Béni. Heureusement, la route s’est faite sans encombres. Ça chauffe encore plus aujourd’hui dans les 3 villes. Des casques bleus des NU sont morts, au moins 3 à Butembo. À Béni, nous avons entendu les cris et les bruits des manifestants appelés ici « groupes de pression ». Ils ont bloqué la route par laquelle nous devions passer pour atteindre l’aéroport. Elle était en feu. Le problème, c’est qu’un Blanc ici est directement pris pour un agent MONUSCO (il n’y a plus aucun autre Blanc dans les parages…).  Du coup, nous avons dû abandonner notre grosse Land Rover voyante et mes anges gardiens d’ici ont trouvé une voiture toute noire aux vitres teintées, aux allures de corbillard, pour me cacher à l’arrière.

Nous sommes finalement arrivés à l’aéroport après détours et traversée d’un check-point d’Unités spéciales UN qui se déployaient (4 blindés et une trentaine d’hommes).

L’avion (qui a fait escale à Bunia = 2 x 200 kms de détour) avait un retard de 45 minutes. Du coup, nous avons atterri à Goma à 17h10, plus proches de la nuit. Or, je devais encore arriver jusqu’à mon logement à +/- 15 kms, pour finir cette aventure. Hélas, les infos reçues avant le vol étaient très mauvaises : à cause des barricades, il est très difficile de circuler à Goma en ce moment. On dit que la MONUSCO a tiré dans le tas. Au moins 6 morts dans les manifestants et de très nombreux blessés (16 morts en tout dans les 3 villes dans ces réactions anti-MONUSCO). Malgré les appels lancés par mes anges gardiens avant le vol, aucun de mes partenaires de Goma (eux-mêmes en difficulté) ne m’attendait à l’aéroport ; je devais donc me débrouiller seul. Comme taxi, plutôt qu’une voiture, j’ai opté pour une moto, car de nombreuses rues étaient très entravées par de grosses roches. En outre, la moto est bcp plus souple pour ne pas se faire arrêter par des gens en colère. J’ai alors repéré le taximoto qui m’inspirait le plus confiance pour relever le défi de traverser les obstacles… Vu les risques, on était tombé d’accord pour 4 fois davantage que le prix normal.

Des obstacles, il y en a eu des dizaines, les routes parsemées de roches étant le plus simple : en moto, nous pouvions slalomer… Mais j’ai eu vraiment chaud entre l’aéroport et Geshero : une heure d’adrénaline. Dans les quartiers populaires après l’ULPGL, il a fallu rebrousser chemin quand des gens tenaient des barricades car ils couraient vers moi pour m’attraper. J’ai eu droit à des cris de haine « muzungu Monesco ». nous répétions bien fort : « abana », non, il n’est pas un Blanc des Forces ONU. J’ai failli être attrapé trois fois, avec le risque d’être lynché.

Heureusement que j’avais bien choisi le taximoto : excellent pour virer vite et aller vite quand il fallait malgré les nombreuses roches parsemées par terre. Il était aussi très bon pour zigzaguer dans les ruelles (très cahoteuses, vu la lave qui est partout) et changer de route à la dernière seconde…

À un endroit perdu, la pente était trop raide et je suis descendu en fin d’élan pour qu’il puisse arriver en haut du raidillon fait d’une lave strillée. Du pur cross… On a fait une belle équipe. Il m’a demandé une prime pour les risques pris (il risquait lui aussi d’être lynché, pris avec moi). Prime que j’ai tout de suite acceptée, en doublant encore le prix de la course. Il a été vraiment bon ! C’est ainsi que je suis arrivé dans mon havre de paix, 15’ avant la nuit. J’ai aussitôt appelé les organisateurs de la session qui devait commencer ce mercredi 27/7 à l’Université ULPGL (Pays des Grands Lacs). Renseignements pris, il ne faut pas que je sorte ce mercredi comme hier et avant-hier. Session reportée à jeudi ou davantage…

S’ils m’avaient attrapé, nous étions prêts à parler pour désamalgamer et désamorcer leur violence qui était tournée vers MONUSCO qui a tiré ds la foule. Les gens ici sont dans une grande misère et de profondes souffrances quotidiennes. J’ai bien appris que derrière une personne qui rugit et explose, il y a tout cela… Les chiens les plus bruyants ne sont pas les plus dangereux. Tout ceci dit, je suis content de ne pas avoir été attrapé hier. CT la voie la meilleure et la plus plus simple pour que les esprits et les coeurs se calment d’abord.

La force d’un groupe organisé et structuré

Je suis au Nord-Kivu, à l’est du Congo, dans cette forêt équatoriale féérique, luxuriante, géante, sans amiante, envoûtante, fascinante, pleine de plantes qui vous hantent, cher Dante !

J’anime une session sur D-I-A-P-O-S (méthode pour faire tomber une injustice sociétale) qui a super bien démarré avec 40 personnes : le groupe est très solide dont un député provincial et des responsables de la région, comme le président de la société civile. Les situations sont déchirantes puisqu’ici, à Béni & Butembo, n’importe qui peut être égorgé à tout moment, que ce soit dans son propre champ, dans sa maison en fin de nuit ou sur la route : le véhicule est pris en embuscade puis incendié, après que les passagers aient été tous égorgés et dépouillés. Le carnage se passe chaque jour, avec une grande multiplicité d’acteurs impliqués. Les pires des violences ne sont pas les plus criantes. Nous cherchons à aller au-delà des violences directes, visibles (les branches de l’arbre), en creusant sous le sol pour atteindre les racines cachées des injustices. Chacun de nos téléphones mobiles a été fabriqué avec un morceau de la richesse exceptionnelle du sous-sol d’ici et avec du sang humain. Nous sommes tous impliqués, tous responsables d’agir de manière responsable. Le combat contre une injustice se gagne grâce à une mobilisation générale des moyens et des personnes. L’union de la grande majorité qui se délivre de sa terreur / torpeur fait la force du groupe dans sa capacité à neutraliser la poignée de prédateurs. L’union fait la force. 21 juillet 2022 !

Châles-heures d’été

Alors que je passe la frontière vers l’Est-Congo aujourd’hui, j’apprends qu’il fait très chaud en Europe. Dans vos châles-heures d’été, je vous souhaite bon fleuve tranquille et belles danses, chères hip hop hautes âmes, jusqu’à plus soif !

Bons baisers du Rwanda, mon pays natal, au printemps éternel, au bon air et à la température idéale : ici, il fait ni trop chaud ni trop froid… Dans l’Akagera, en famille, nous y avons vu des dizaines et des dizaines d’hippopotames, jusqu’à plus soif.

Ci-dessous, des vers holorimes, quelques verres pour la soif !

Puissance de vie, puis sens de vie

Peut être une image de arbre et texte

« Pour rencontrer l’espérance,
il faut être allé au-delà du désespoir.
Quand on va jusqu’au bout de la nuit,
on rencontre une autre aurore »
(Georges Bernanos).

« Si vous voulez la lune, ne vous cachez pas la nuit venue.
Si vous voulez une rose, ne vous écartez pas des épines.
Si vous voulez l’amour, ne vous cachez pas de vous-même »
(Rûmi).

Des boires – déboires

« Toute famille tire sa cohérence d’un accord tacite sur la transmission de quelque chose qui n’est pas su » (Jean-Jacques Baranes).

« Le symptôme développé par un enfant peut s’envisager comme le témoin d’une transmission, mais aussi comme le témoin de la façon dont l’enfant, se débat avec l’héritage transmis. Par le symptôme, l’enfant répond aux attentes parentales en même temps qu’il les dénonce » (Albert Ciccone).

Peut être une image de 3 personnes et texte qui dit ’S'enchaînent nos traditions des-boires. Transgénérationnels déboires?’

Cœurs de chair derrière des cœurs de pierre

« Être, c’est être volé, trompé, abusé, oui, induit en erreur, pris au piège et ensuite bafoué et, malgré toutes ces avanies, regarder tout cela comme rien au fond de vous-mêmes, et sourire… Car vous savez qu’un printemps viendra s’épanouir dans votre jardin, danser dans les feuillages, qu’un automne viendra mûrir vos raisins, et vous savez que si une seule de vos fenêtres s’ouvre à l’est, vous ne serez jamais sans rien. Vous saurez aussi que tous qu’on appelle malfaiteurs, voleurs, escrocs et trompeurs sont vos frères dans le besoin » (Khalil Gibran).

Coiffée à Pise

« Robinson (autiste) la plupart du temps, est gai, harmonieux, bien dans son corps, content de ses préoccupations. Il n’a aucun problème, mais il en est un, dans le monde tel qu’il est et tel que de plus en plus il devient » (Laurent Demoulin, Robinson, p. 121).

Peut être un dessin animé de texte