Je trouverai à l’extérieur ce que je vis à l’intérieur

Ce que je trouve figé dans mes relations à l’extérieur correspond à des figements intérieurs. Ce que je critique chez l’autre correspond à ce qui, en moi, n’est pas suffisamment accueilli et baigné dans l’Amour. En la matière, les limites que je trouve à l’extérieur sont en fait l’expression de limites intérieures : mes propres ‘enfer-me-ment’, mes étroitesses, mes croyances limitantes, mes œillères et mes ornières, mes réflexes de repli sur soi. Mes guerres extérieures sont l’écho de l’ego et de ses guerres internes.

Inversement, les possibilités que je vois dans le monde extérieur correspondent aux possibilités de mon monde intérieur, à ma foi en la Vie offerte généreusement. Mes projections sur l’autre cessent quand j’ouvre réellement mon cœur et mon âme à la Vie qui me traverse, quand je la laisse simplement faire son œuvre féconde, telle la pluie sur mes terres. Il n’y a rien à faire, sinon de réapprendre la manière d’être d’un enfant qui babille de joie dès qu’apparaît l’autre au-dessus de son berceau, et qui fait de la rencontre une Visitation, une exultation dans les entrailles.

Je t’aime, Christine, mon amour.

Éros, philia, agapé

« Trois mots pour dire l’amour : éros, philia, agapè.

Qu’est-ce qu’éros ? C’est le manque, et c’est la passion amoureuse. C’est l’amour selon Platon : « Ce qu’on n’a pas, ce qu’on n’est pas, ce dont on manque, voilà les objets du désir et de l’amour. » C’est l’amour qui prend, qui veut posséder et garder. Je t’aime : je te veux. C’est le plus facile. C’est le plus violent. C’est le secret de la passion (elle ne dure que dans le manque, le malheur, la frustration). […]

L’amitié ? C’est ainsi que l’on traduit ordinairement philia en français, ce qui n’est pas sans en réduire le champ ou la portée… ; c’est l’amour de bienveillance (aimer l’autre pour son bien à lui). […] C’est le secret des couples heureux, cette bienveillance joyeuse, cette joie bienveillante : vouloir le bien de celui qu’on aime. C’est l’amour selon Aristote et Spinoza.

Agapé ? […] L’amour pour celui qui ne nous manque ni ne nous fait du bien (dont on n’est ni l’amoureux ni l’ami), mais qui est là, simplement là, et qu’il faut aimer en pure perte, pour rien, ou plutôt pour lui, quoi qu’il soit, quoi qu’il vaille, quoi qu’il fasse, et fût-il notre ennemi… C’est l’amour selon Jésus-Christ : amitié universelle, parce que libérée de l’ego, et pour cela libératrice. Ce serait l’amour de Dieu, s’il existe (« O Théos agapé estin », lit-on dans la première épître de saint Jean : Dieu est amour).

Éros, philia, agapé : l’amour qui manque ou qui prend ; l’amour qui se réjouit et partage ;

l’amour qui accueille et qui donne…Ils sont tous les trois nécessaires, tous les trois liés….ce sont trois pôles dans un même champ, qui est le champ d’aimer, ou trois moments dans un même processus, qui est celui de vivre. Éros est le premier, toujours, et c’est ce que Freud, après Platon ou Schopenhauer, nous rappelle ; agapé est le but (vers lequel nous pouvons au moins tendre), que les Évangiles ne cessent de nous indiquer ; enfin philia est le chemin, ou la joie comme chemin : ce qui transforme le manque en puissance, et la pauvreté en richesse »

(André Comte-Sponville, Présentations de la philosophie, morceaux que j’ai choisis entre p. 41 et 50).

Le réseau Church and Peace

En tant que membre du CA de Church and Peace, j’interviens dans la conférence internationale « Division. La guerre. Non-violence » qui se tiendra du 20 au 23 octobre à Crikvenica, en Croatie. Nous apprendrons les uns des autres, écouterons notamment les expériences des artisan∙e∙s de paix dans le pays et dans la région, Ce sera un espace pour nommer nos pistes de résolution des conflits, pour partager les expériences de succès ou d’échec et pour travailler à partir d’elles. Comment adhérer à la vision non-violente de l’Évangile dans les temps de guerre actuels ? 
Pour plus d’informations, voir :  www.church-and-peace.org/fr/2022/05/conference-internationale-2022-croatie

Un jeu de pouvoir se joue à deux

« Personne ne peut vous rendre inférieur sans votre consentement » (Eleanor ROOSEVELT).

« La soumission est très peu différente dans ses effets de la domination, dont elle n’est que le reflet » (Marc MOUSLI, Négocier, l’art et la manière, p. 22).

« Neuf fois sur dix, le pouvoir que les autres prennent sur nous, c’est nous qui le leur avons donné » (François DELIVRÉ, Le pouvoir de négocier. S’affronter sans violence : l’espace gagnant-gagnant en négociation).

« Si l’autre vous attaque avec efficacité, il y a de grandes chances pour que vous ayez creusé vous-même le piège dans lequel vous tombez » (Collectif IRÉNÉ, Négociation : Théories versus « pratiques », p. 65).

4 citations extraites de mon livre La méthode C-R-I-T-E-R-E pour mieux gérer nos conflits, p. 136.

Amas doués amadoués

« La conscience est comme le soleil. Quand elle brille sur les choses, elles sont transformées » (Thich Nath Hanh).

« Or la loi de l’âme est radicale : si je ne suis pas proche de moi, je ne le serai de personne et personne ne pourra, impunément m’approcher ! Car l ‘autre reçoit, aussitôt, et même si je crois l’aimer, le reflet radioactif de ma haine de moi – même. L’amour de soi, qui est le fondement de l’amour est une expérience bouleversante, ontologique et mystique. Il ne s’agit pas de l’amour porté à cette personnalité que j’ai réussi à construire. C’est une grande sympathie que j’éprouve pour elle, tout au plus. Non l’amour s’ancre ailleurs. Il s’ancre, d’abord dans la stupéfaction d’être vivant et étrangement dans l’expérience du corps.

Je vous invite à l’instant à frôler cette qualité. Laissez-vous saisir de la stupeur d’être dans un corps, d’être un corps.

Accordez-vous, un instant, de peser de tout votre poids, sans la moindre esquive, de sentir la densité de la matière qui vous constitue, sa concentration, sa secrète dilatation après chaque inspire. À peine j’entre, entière, dans cette sensation qu’une incroyable qualité de présence m’envahit. Surtout ne me croyez pas. Continuez, seulement, de laisser respirer ce qui respire, de sentir le poids de votre corps, Jusqu’à ce que vous ayez rejoint ce qui vous habite.

Il n’y a que le saisissement qui livre passage à l’essentiel. (…) Cette puissance, infiniment supérieure à l’homme et qui, mystère vertigineux, n’est agissante sur terre qu’à travers l’homme qui l’accueille ou le corps qui l’incarne, cette puissance ou mieux cette présence ineffable et fragile, c’est l’amour qui nous fonde » (Christiane Singer, N’oublie pas les chevaux écumants du passé).

Réussir une mobilisation collective est un art qui s’apprend

En cliquant sur le lien ci-dessous, vous accéderez à l’article dans lequel je présente la méthode D-I-A-P-O-S, qui est la suite sociopolitique de la méthode C-R-I-T-E-R-E : après avoir appris à gérer mes conflits intérieurs et mes conflits interpersonnels, comment je peux contribuer efficacement à faire tomber les injustices sociétales ?

Bonne lecture !

Le cercle vicieux de la contre-violence

Au rayon des violences, il en est une particulièrement bien habillée. Elle s’appelle violence légitime, celle que nous pouvons justifier, celle que nous nous autorisons lorsque nous réagissons contre l’agression, celle que nous jugeons efficace et nécessaire pour établir la justice ou défendre la liberté. […] Recevant une gifle, je vais chercher spontanément à la rendre, en plus fort si possible. Cette “contre-violence” est une réaction instinctive. Mais elle enclenche un cercle vicieux : en me défendant par la violence, je deviens à mon tour agresseur. En restant dans le même registre, celui de la violence, je me laisse infecter par le mal contre lequel je réagis. Je veux combattre un mal, une injustice. Mais en me trompant de moyens, je suis ce médecin qui soigne une plaie avec des outils infectés par les mêmes microbes. Résultat : au lieu de réparer le mal, je le redouble, je le renforce un peu plus! Non seulement je rate mon but mais je corromps moi-même ma “juste cause”.

La logique de la violence est circulaire. La violence d’un jeune s’enracine dans celle de ses parents, de son milieu, et ainsi de suite. Et la violence devient fatalité, occasion idéale pour chacun de légitimer et justifier sa propre violence. Car, nous le savons, plus on laisse dégénérer la spirale de la violence, plus il est difficile de s’en sortir…

Notre violence s’enracine dans nos peurs de l’autre. Martin Luther King a parlé avec clarté de la “spirale de la violence” : peur => violence  => haine. Ainsi, dans l’insécurité grandissante de leur quartier, à Philadelphia, aux USA, beaucoup de personnes se sont procurées des armes, pour se sentir plus en sécurité. Mais les études de sociologie ont montré que c’est en fait le contraire qui s’est produit. Les gens se sont enfermés dans une psychose collective de peur, jusqu’à ce drame malheureux du père de famille croyant abattre un cambrioleur en pleine nuit et tuant en fait son fils, qui s’était lever pour boire un verre d’eau à la cuisine.

Martin Luther King a dit : “L’ultime faiblesse de la violence est qu’elle est une spirale descendante, engendrant la chose même qu’elle cherche à détruire. Au lieu de diminuer le mal, elle le multiplie. Par la violence, vous tuez le haineux, mais vous ne tuez pas la haine. En réalité, la violence ne fait qu’augmenter la haine… La contre-violence multiplie la violence, ajoutant une plus grande obscurité à une nuit déjà dépourvue d’étoiles. L’obscurité ne peut chasser l’obscurité; seule la lumière le peut. La haine ne peut éliminer la haine; seul l’amour le peut” (extraits d’Étienne Chomé, Le cercle vicieux de la contre-violence, article paru à l’île Maurice le 11 février 2000 et repris complètement ici, au n° 4 :

http://etiennechome.site/outils-pour-de-meilleures-relations-humaines/.

Maternité éternité humanité

Chez les Himbas de Namibie, en Afrique australe, la date de naissance d’un enfant est fixée bien avant sa venue au monde, avant même sa conception : au jour où l’enfant est accueilli dans l’esprit de sa mère.

Quand une femme souhaite un enfant, elle s’installe sous un arbre et écoute jusqu’à ce que monte en elle la chanson de l’enfant qui veut naître. Elle va alors à l’homme qui sera le père de l’enfant pour lui enseigner la chanson de l’enfant, qu’ils chantent pendant qu’ils font l’amour, avec l’intention de l’inviter.

Une fois enceinte, la maman enseigne le chant de cet enfant aux sage-femmes et aux femmes aînées du village. Ainsi, en naissant, l’enfant est accueilli par elles chantant sa chanson.

Au fur et à mesure que l’enfant grandit, les autres villageois apprennent sa chanson. Si bien que quand l’enfant tombe, il se trouve toujours quelqu’un pour le relever et lui chanter sa chanson. De même, si l’enfant fait quelque chose de merveilleux, par exemple traverse avec succès les rites de passage, les gens du village l’honorent par son chant.

De même, plus tard, s’il commet un crime ou un acte social déplacé, il sera appelé au centre du village et tous, en cercle autour de lui, chanteront sa chanson. La tribu reconnaît ainsi que la correction d’un comportement antisocial ne passe pas par la punition mais par l’amour et le rappel de l’identité profonde, qui nous gardent de nuire aux autres.

De même, sur son lit vers la mort, tous les villageois connaissant sa chanson, la lui chanteront, pour la dernière fois.

Sauvage est l’âme où résident passion et créativité

« Être pleinement humain, c’est être sauvage.
La sauvagerie, c’est l’étrange attraction et
le murmure de la sagesse.
C’est le doux coup de pouce et la douleur intense.
C’est ta vérité, transmise par tes anciens,
et le courant de vie dans ton sang.
Sauvage est l’âme où résident passion et créativité,
sauvage est le battement de ton cœur.
Sauvage est ce qui est réel.
La sauvagerie est ta maison »
(Victoria Erickson).