Coquefredouille. Cornegidouille !

Voici mon 3e post sur l’intérêt de jurer : les jurons ont un effet de catharsis et de décharge émotionnelle.

Coquefredouille = pauvre diable, personne ridicule. Exemple : C’est l’aîné de la famille mais également le coquefredouille. Il possède en âge ce qu’il ne possède pas en intelligence et c’est bien trop souvent que les gens se rient de lui.

Cornegidouille est le juron qu’invente Alfred Jarry dans sa pièce de théâtre Ubu roi (1896), quand il exprime une forte colère ou un grand étonnement.

Les jurons religieux s’arrangent pour dire sans dire

‘Mordieu’, c’est jurer par la mort de Dieu. 
‘Jarnibleu’ = « je renie Dieu! ».

Ce sont des blasphèmes qui ont rang de « péché mortel ». Car jurer par le Nom de Dieu, c’est enfreindre le troisième commandement du Décalogue.

Aussi, depuis des millénaires, beaucoup de jurons religieux s’arrangent pour dire sans dire, en évitant de prononcer directement les noms (jeu de oui / non). Exemple : La terminaison -bleu est un euphémisme qui évite de dire Dieu, et donc de blasphémer. Dire sacrebleu plutôt que sacré dieu, Scrogneugneu (ou sa forme ancienne sacrégnongnieu) plutôt que sacré nom de Dieu !

Dire Rrronteudjeu plutôt que Nom de dieu / crédieu / crébondieu…
Dire ‘Jarnicoton’ plutôt que ‘Jarnibleu’ : Cotton, le confesseur d’Henri IV lui demandait de remplacer le blasphème ‘Jarnibleu’ (je renie Dieu) par ‘Jarnicoton’ (je renie Cotton), moins grave !

Et Georges Brassens de s’en donner à cœur joie :
Voici la ronde des jurons
Qui chantaient clair, qui dansaient rond,
Quand les Gaulois de bon aloi
Du franc-parler suivaient la loi,
Jurant par-là, jurant par-ci,
Jurant à langue raccourcie,
Comme des grains de chapelet
Les joyeux jurons défilaient :
Tous les morbleu,
Tous les ventrebleu,
« par le ventre de Dieu! »
Les sacrebleu et les cornegidouille,
Ainsi, parbleu,
Parbleu
Par Dieu !
Que les jarnibleu
Et les palsambleu,
« par le sang de Dieu! »
Tous les cristi,
Les ventre saint-gris,
Les par ma barbe et les nom d’une pipe,
Ainsi, pardi,
Que les sapristi
Sapristi et sacristi
Et les sacristi,
Putain de Tabarnac !
Sans oublier les jarnicoton,
Les scrogneugneu et les bigre et les bougre,
Les saperlott’, les cré nom de nom,
Les peste, et pouah, diantre, fichtre et foutre,
Tous les Bon Dieu,
Tous les vertudieu,
Les saperlott’, les cré nom de nom,
Les peste, et pouah, diantre, fichtre et foutre,
Tous les Bon Dieu,
Tous les vertudieu,
Tonnerr’ de Brest et saperlipopette,
Ainsi, pardieu,
Que les jarnidieu
Et les pasquedieu

(Le pornographe, 2, 1958).

Le pouvoir cathartique des jurons

Voici une brève présentation de l’article scientifique ‘Le pouvoir des jurons, ce que nous savons, ce que nous ne savons pas’, paru récemment dans la revue scientifique de linguistique ‘Lingua’. Les jurons produisent des effets physiologiques et psychologiques tels qu’ils font baisser la perception de la douleur. Ça a été démontré par des expérimentations, telles que la main plongée dans de l’eau glacée ou des doigts frappés par un marteau. En repérant les activités du système limbique, des IRM ont attesté que les jurons ont un effet de catharsis et de décharge émotionnelle. 

Ça ne fonctionne pas quand nous jurons dans une langue autre que la nôtre. Par contre, ça fonctionne d’autant mieux que le juron concerne un de nos tabous sociaux (qui dépendent toujours de notre contexte culturel précis) et qu’il joue entre un sens à la fois littéral et non littéral (voir mon prochain post avec la ronde des jurons de Georges Brassens et nos jurons-blasphèmes religieux qui disent sans dire, qui jouent avec le nom, oui / non).

Il semblerait que c’est l’interdiction que les adultes donnent aux enfants (« ce n’est pas bien de dire cela ») qui crée une charge émotionnelle, laquelle devient utile quand on a besoin de décharger une douleur ou une émotion… Plus les autorités éducatives mais aussi religieuses (je l’illustre dans mon post de demain) nous ont réprimandés avec forte répression, plus il y a de la jouissance à jurer en cas de crise !

Autre point de vue sur les bénéfices des jurons :
https://www.psychologies.com/Actualites/Sante-mentale/Les-insultes-font-plus-de-bien-qu-on-ne-le-pense

L’art du petit pas

« Apprends-moi l’art des petits pas.
Je ne demande pas de miracles ni de visions,
mais je demande la force pour le quotidien !
Rends-moi attentif et inventif pour saisir
au bon moment les connaissances et expériences
qui me touchent particulièrement.
Affermis mes choix.
Dans la répartition de mon temps,
donne-moi de sentir ce qui est essentiel
et ce qui est secondaire.
Je demande la force, la maîtrise de soi et la mesure.
Que je ne me laisse pas emporter par la vie,
mais que j’organise avec sagesse
le déroulement de la journée.
Aide-moi à faire face aussi bien que possible
à l’immédiat et à reconnaître l’heure présente
comme la plus importante.
Donne-moi de reconnaître avec lucidité
que la vie s’accompagne de difficultés, d’échecs,
qui sont occasions de croître et de mûrir.
Fais de moi un homme capable de rejoindre
ceux qui gisent au fond.
Donne-moi non pas ce que je souhaite,
mais ce dont j’ai besoin.
Apprends-moi l’art des petits pas ! »
(Antoine de Saint-Exupéry).

Différentes langues sentimentales ?

« Les différences linguistiques font partie intégrante de la culture humaine. Si nous voulons communiquer efficacement avec des personnes d’autres cultures, nous devons apprendre leur langue. Il en va de même dans le domaine de l’amour. Votre langage d’amour et celui de votre conjoint peuvent être aussi différents que le chinois de l’est et le français. Vous avez beau essayer d’exprimer votre amour en français, si votre conjoint de comprend que le chinois, vous ne saurez jamais que vous vous aimez. […] Il est rare que mari et femme aient appris la même première langue sentimentale. […] Notre besoin émotionnel le plus profond n’est pas de tomber amoureux, mais d’être authentiquement aimé d’autrui, de connaître un amour qui procède à la fois de la raison et de la volonté, et non d’un instinct.  J’ai besoin d’être aimé par quelqu’un qui a choisi de m’aimer, qui voit en moi une personne digne d’être aimée » (Gary Chapman, Les langages de l’amour).

En attendant Godot

L’œuvre célèbre de Beckett, En attendant Godot, qu’il écrivit au sortir de la deuxième guerre mondiale, fut souvent neutralisée. Jadis, l’homme de goût la neutralisait par l’ennui : pas d’histoire, pas de personnage, pas de drame à se mettre sous la dent. Aujourd’hui, il la neutralise par le divertissement : l’œuvre mal aimée est devenue chef d’œuvre hilarant de l’absurde. Respecter la charge problématique de l’œuvre consisterait, à l’inverse, à laisser l’œuvre d’art construire le sujet d’expérience qu’elle appelle, en d’autres termes, à donner le corps et l’esprit de l’homme nu pris dans l’expérience, plutôt qu’à lui faire barrage avec la subjectivité de l’homme de goût (qui plaque sur l’œuvre son ennui qui exclut et son divertissement qui inclut).

Le mot « inachevé » revient du début à la fin du drame. Dès le début, comment vivre après le mot « fin » ? Qu’est-ce qu’on fait maintenant ? Quand il n’y a plus rien, comment on vit après la fin ? Qu’est-ce qui nous unit quand il n’y a plus d’autre « nous » que la co-présence oscillant entre toutes les nuances de l’ennui au divertissement, quand il n’y a plus d’homme entier, quand il n’y a plus que des chiffonniers qui ramassent des lambeaux de civilisation, tout ce qui jadis faisait des hommes et des communautés ?

Godot, c’est peut-être une blague de catholique irlandais : ce God qui ne viendra jamais, la figure de l’espoir, des lendemains qui chantent ?

(J’ai repris ici ce que j’ai trouvé essentiel de l’analyse faite par Sébastien Barbion ; analyse bien plus complète : https://www.rayonvertcinema.org/beckett-en-attendant-godot/).

Elle était si jolie

Elle était si jolie
que je n’osais l’aimer.
Elle était si jolie,
je ne peux l’oublier.
Elle était trop jolie
quand le vent l’emmenait.
Elle fuyait ravie
et le vent me disait…

Elle est bien trop jolie.
Et toi, je te connais.
L’aimer toute une vie,
tu ne pourras jamais.
Oui mais elle est partie.
C’est bête mais c’est vrai.
Elle était si jolie

Je n’oublierai jamais.

Aujourd’hui c’est l’automne.
Et je pleure souvent.
Aujourd’hui, c’est l’automne.
Qu’il est loin le printemps.

Dans le parc où frissonnent
les feuilles au vent mauvais,
sa robe tourbillonne,
puis elle disparaît…
Elle était si jolie
que je n’osais l’aimer.
Elle était si jolie.
Je ne peux l’oublier.
Elle était trop jolie
quand le vent l’emmenait.
Elle était si jolie.

Alain Barrière, à l’Eurovision en 1963, pour la France !