Mer mère cauche.mar amer

« Le requin est placé en opposition avec le dauphin. Ce dernier assumant le rôle de sauveur, de guide sur le chemin du retour à la vie, celui du requin ne peut être que la représentation de la mort ou de la menace de mort. Le squale imaginaire proclame la fatalité implacable qui frappe à l’heure de son choix. Comme le crocodile, il est avant tout la dent imparable du destin qui mutile ou tue sans état d’âme et sans culpabilité parce que c ‘est sa fonction naturelle.
Le requin a aussi l’aptitude à représenter la mère-terrible. « Les dents de la mer », l’inconscient collectif se charge d’ une traduction simultanée et notre profondeur entend « les dents de la mère » » (Georges Romey, Encyclopédie de la symbolique des rêves).

« L’homonymie mer/mère joue son double rôle ambigu de mer dangereuse et de mère calmante. De plus, Robbe-Grillet lui-même souligne « l’étymologie du mot cauchemar, dont la racine mare désigne la mer en latin, mais en néerlandais les fantômes nocturnes » (Roger-Michel Allemand, Christian Milat, Alain Robbe-Grillet : balises pour le XXIe siècle, p. 189).

Voir et sentir au-delà de la façade…

En Avent, en avant derrière les apparences !

« Les apparences sont un masque qui souvent cache mille raisons, mille pensées, mille sentiments dont on ne peut définir réellement, la personnalité de celui qui le porte » (Pascal Desliens, en apparence  Descrea).

« Les apparences sont belles dans leur vérité momentanée » (Octavio Paz).

« Gare aux préjugés sur les hommes. Les apparences sont trompeuses. Les plus fiables ne sont pas toujours ceux qu’on croit. Pensez ainsi à la fable du chêne et du roseau : à celui qui rompt, à celui qui plie, mais ne rompt pas. La main tendue, lorsque l’on aura besoin d’aide, ne sera peut-être pas celle à laquelle on pensait » (Catherine Rambert, Petite philosophie pour ceux qui veulent atteindre le sommet de la montagne).

Les couleurs de la vie sourdent de dedans

« Être heureux, c’est laisser vivre la créature libre, heureuse et simple qui vit en chacun de nous. Que votre vie devienne un jardin d’opportunités pour être heureux … Puissiez-vous être un amoureux de la joie dans vos sources. Puissiez-vous être pour vous-même un ami de sagesse et de paix pendant vos hivers » (pape François).

Sortir de la confusion entre Forces de l’Ordre légitimes et violence illégitime

Je pointe la dommageable confusion entre Forces de l’Ordre légitimes et violence illégitime dans la phrase suivante : « La police, dans le maintien de l’ordre, a une exigence absolue d’exemplarité parce qu’elle exerce la violence légitime, parce que les policiers ont la possibilité d’être violents avec les citoyens » (Patrick Spinosi, avocat au Conseil d’État et à la Cour de Cassation, interviewé à la TV dans Quotidien, 2 décembre 2020). La police qui n’a pas le droit d’être violente, a le devoir d’opposer à la violence hors-la-loi une force nécessaire qui ne saurait être elle-même violence, qui est d’une nature différente de l’abus de force. Un parent a-t-il le droit d’être violent sur son enfant à qui il interdit strictement la violence ? Un arbitre, dans un match de football, aurait-il le droit, lui, de tricher ? Non, il a le pouvoir de mettre fin à une mêlée entre joueurs, avec des ressources particulières, reconnues en droit comme légitimes et réservées à l’arbitre de par son mandat, de par son rôle. J’étudie cette problématique dans Le nouveau paradigme de non-violence, dont voici un extrait de l’introduction (allégé de l’apparat critique des notes de bas de page) :

« La capacité des hommes à progressivement mettre hors-la-loi la violence donne lieu à un nouveau paradigme de pensée, qui se ramasse en une formule : le défi de notre temps est d’apprendre comment exercer la force sans la violence. « Le non que la non-violence oppose à la violence est un non de résistance. La non-violence est certes abstention, mais cette abstention exige elle-même l’action. […] Il s’agit, à partir de la réalité des violences que nous avons l’habitude de considérer comme nécessaires et légitimes, de créer une dynamique qui vise à les limiter, les réduire et, pour autant que faire se peut, à les supprimer. Il existe une réaction en chaîne des violences économiques, sociales, politiques et policières qu’il est impossible d’interrompre dès lors qu’à un moment ou un autre de ce processus, la violence se trouve légitimée. Pour rompre la logique de la violence, il faut créer une dynamique politique qui inverse le processus du développement violent des conflits. C’est cette dynamique que la philosophie politique de la non-violence nous invite à mettre en œuvre » (Jean-Marie Muller).

La distinction entre force de l’ordre légitime et violence n’est pas un simple jeu de mots, elle engage toute une problématique nouvelle. Les termes « violence » et « non-violence » cristallisent le changement de paradigme en cours : on leur donne de nouvelles définitions et missions, à mesure qu’on comprend mieux les phénomènes en jeu et que l’on sort des ambiguïtés, des équivoques, des confusions du langage qui disent des confusions de la pensée. Le mot « violence » n’a fait son entrée dans plusieurs dictionnaires qu’au XXe siècle. […] « À partir du moment où chacun est appelé au statut de citoyen, où est reconnu son droit à la liberté et au bonheur, la violence ne peut plus être confondue avec la force, elle ne relève plus des nécessités physiques (calamités naturelles) ou politiques (hiérarchies de droit divin) : elle devient un phénomène qui a rapport avec la liberté et qui peut, et doit être combattu et surmonté » (Jean-Marie Domenach).  

À la charnière du troisième millénaire, l’Organisation Mondiale de la Santé a commandé une étude de trois ans auprès de 160 experts à travers le monde, qui conclut que la violence humaine est une maladie évitable et qu’il faut la traiter comme un problème de santé publique. Ainsi donc, notre temps fait de la violence un concept performatif qui dénonce quelque chose de négatif à combattre. Dans une telle visée prescriptive, on définit la violence de manière telle qu’il ne puisse plus exister  de « bonne » ou de « juste » violence : « Il est essentiel de définir la violence de telle sorte qu’on ne puisse pas dire qu’il existe une « bonne violence ». Dès lors qu’on prétend distinguer une « bonne » et une « mauvaise » violence, on ne sait plus dire la violence et on s’installe dans la confusion »  (Jean-Marie Muller). La violence devient un concept opératoire pour désigner ce qui est inacceptable, qu’il faut condamner moralement et mettre hors-jeu politiquement. On charge entièrement le terme de toute sa connotation destructrice, il devient alors le pôle négatif opposé au pôle positif de la non-violence qui est la visée du programme d’action. « En prononçant le mot, on accomplit une action. Caractériser quelque chose comme violence, c’est commencer à agir. L’idée de violence, parce qu’elle est étroitement liée à celle de transgression des règles, est chargée des valeurs positives ou négatives attachées à la transgression. À travers elle, on agite une menace ou on dénonce un péril » (Yves Michaud).

Extrait de : Étienne Chomé, Le nouveau paradigme de non violence, p. 4-8, disponible sur http://etiennechome.site/publications-de-fond/sociopolitique/

Du droit de porter une arme au devoir de l’engagement citoyen non-violent

« Aux États-Unis, le droit de porter une arme est la norme, tandis qu’en Europe, la norme est l’interdiction du port d’armes et les exceptions relèvent d’un permis spécial renouvelable régulièrement car c’est une autorisation conditionnelle : il faut se montrer à la hauteur de ce privilège et démontrer la sécurité (les posséder verrouillées chez soi par exemple). Il est très intéressant de saisir comment le Canada est sorti graduellement d’un système semblable à celui des États-Unis : « Depuis 1996, seulement pour conserver ses armes, il faut un permis renouvelable tous les cinq ans et qui force le demandeur à fournir des informations indiscrètes sur sa vie privée. La question du formulaire canadien de renouvellement du permis de possession d’armes demande : « Au cours des deux dernières années, avez-vous vécu un divorce, une séparation ou une rupture d’une relation importante, ou encore avez-vous perdu votre emploi ou fait faillite ? « . Une réponse affirmative entraînera d’autres questions, et ainsi de suite. Et ce n’est qu’un exemple. De restriction en restriction, les Canadiens, un peu naïfs devant l’État, ne virent pas que leur liberté traditionnelle était supprimée (Pierre Lemieux, Le droit de porter des armes, conférence devant l’Associazione liberisti ticinesi Lugano, 17 janvier 2008). »  

Dans le paradigme  de non-violence, la norme est la non-violence et l’anormal est la violence. À l’inverse, « en institutionnalisant la violence comme moyen normal (qui sert de norme) et régulier (qui sert de règle) de gérer les inévitables conflits qui surgissent au sein de la société, l’État lui donne droit de cité. Dès lors, c’est l’ensemble des rapports sociaux qui se trouvent contaminés par la logique de la violence. En démocratie, le but premier de la démocratie est de mettre la violence hors-la-loi ; aussi l’État va-t-il à l’encontre de ce but en mettant la violence dans la loi. [… ] La philosophie politique de la non-violence récuse les doctrines de l’État en ce qu’elles engendrent par elles-mêmes un processus de légitimation idéologique de la violence qui menace la démocratie » (Jean-Marie Muller, Dictionnaire de la non-violence, p. 138)  » (Étienne Chomé, Le nouveau paradigme de non violence, p. 346, disponible sur http://etiennechome.site/publications-de-fond/sociopolitique/).