« La vertu a un voile, le vice a un masque » (Victor Hugo, Post-Scriptum de ma vie, 1901).
« Va, chante ce qu’on ose écrire. Ris, et qu’on devine, ô chanson, derrière le masque du rire, le visage de la raison » (Victor Hugo, Chansons des rues et des bois, 1865).
Ma vie n’est qu’un instant, une heure passagère. Ma vie n’est qu’un seul jour qui m’échappe et qui fuit. Tu le sais, ô mon Dieu ! pour t’aimer sur la terre Je n’ai rien qu’aujourd’hui !…
Que m’importe, Seigneur, si l’avenir est sombre ? Te prier pour demain, oh non, je ne le puis !… Conserve mon cœur pur, couvre-moi de ton ombre Rien que pour aujourd’hui.
Si je songe à demain, je crains mon inconstance Je sens naître en mon cœur la tristesse et l’ennui. Mais je veux bien, mon Dieu, l’épreuve, la souffrance Rien que pour aujourd’hui.
Je dois te voir bientôt sur la rive éternelle Ô Pilote Divin ! dont la main me conduit. Sur les flots orageux guide en paix ma nacelle Rien que pour aujourd’hui.
Ah ! laisse-moi, Seigneur, me cacher en ta Face. Là je n’entendrai plus du monde le vain bruit Donne-moi ton amour, conserve-moi ta grâce Rien que pour aujourd’hui
Je volerai bientôt, pour dire tes louanges Quand le jour sans couchant sur mon âme aura lui Alors je chanterai sur la lyre des Anges L’Éternel Aujourd’hui !…
(Sainte Thérèse de l’Enfant Jésus, Mon chant d’aujourd’hui).
« Un couple a grandement intérêt à investir dans un rdv conjugal de qualité, en présence d’une tierce personne compétente et de confiance. Idéalement, une telle complicité à trois se met en place en temps de paix. Quel trésor que de disposer d’un espace-temps de qualité, posé dans l’agenda, indépendamment des yoyos de crise. Du coup, c’est pendant ce temps privilégié, régulier et sécurisé, qu’on aborde les points délicats, les points-gâchette, les points qui bloquent ou qui fâchent… Et on s’en occupe convenablement !
La tradition d’un tel rdv régulier avec une personne thérapeute complice délivre le couple des mauvaises gestions de crise dans le quotidien : STOP, ce n’est pas le bon moment/endroit/devant d’autres personnes => « on en reparle dans ce temps à 3 ». Disposer de ce rdv solidement posé permet de s’abstenir d’aborder les sujets qui fâchent en dehors de ce rdv ! Quels bienfaits pour le couple comme pour la famille ! »
« Des oiseaux aux longs cris allaient rafler dans l’ombre les derniers parfums engourdis. Deux étoiles naissaient, humectant l’azur sombre, je me disais : le Paradis. C’est de suivre l’oiseau et de joindre l’étoile et d’appartenir à l’éther. Et mes forces cédaient comme on défait un voile, je me mélangeais avec l’air » (Anna de Noailles, Les Forces éternelles, 1920, p. 198).
« La rêverie travaille en étoile. Elle revient à son centre pour lancer de nouveaux rayons » (Gaston Bachelard, La psychanalyse du feu, 1949, p. 36).
« La poésie est la première merveille du silence. Elle garde animé, derrière les images, le silence vigilant. Elle organise le poème dans le temps tranquille, dans un temps que rien ne trouble, rien ne précipite, rien ne domine, dans un temps susceptible de toutes les immatérialités, autant dire dans le temps de notre affranchissement. Le temps réel est bien faible en comparaison des temps imaginés dans les poèmes » (Banafsheh Sahih, Mahdi Afkhami Nia, Allahshokr Assadollahu, Une fenêtre sur la poétique de Gaston Bachelard à travers des vers extraits des Forces éternelles d’Anna de Noailles, 2020, p. 1).
Un garçon s’exclame : – Maman, maman, j’ai mangé une souris ! La maman lui répond : – Il faut que j’appelle un docteur. Le médecin, après son auscultation, conseille à la maman de mettre un morceau de fromage au bout d’un fil devant la bouche du garçon pour faire sortir la souris. Le docteur revient une heure après, et s’étonne de voir la maman avec une sardine au bout du fil : – Mais je vous avais dit un morceau de fromage ! – Oui je sais bien, mais c’est le chat qui est entré maintenant !
Course anti-Covid : chasse à courre chat ça court !…
Peut-être que la gaie ou triste turbulence est le divin secret par qui tout s’éclaircit : raison supérieure, instinct vaste et précis, possession des cœurs, des sons et du silence !
Vous qu’on nomme folie, ivresse, déraison, vous, Exaltation, flamboyante saison qui dardez vos soleils sur les routes ardues, où est la vérité quand on vous a perdue ? (Anna de Noailles, Les Forces éternelles, 1920, p. 299).
Divinité fougueuse et calme du beau temps, la même paix bénit la campagne et la ville. Profondeur d’océan dans l’espace, et pourtant je ne sais quoi de pur comme un ruisseau tranquille. Tout est pourvu, tout est complet, tout est content (Ibidem, p. 111).
Au bout d’un blanc chemin bordé par des prairies, s’ouvre mon jardin odorant. Descends parmi les fleurs, visite, je te prie, le beau chalet de mes parents.
C’est dans cette attentive et studieuse chambre, où les anges m’ont tout appris, […] c’est là que j’ai connu, en ouvrant mes fenêtres sur les orchestres du matin, l’ivresse turbulente et monastique d’être sûre d’un illustre destin. C’est là que j’ai senti les rafales d’automne m’entr’ouvrir le cœur à grands coups pour y faire tenir ce qui souffre et frissonne : c’est là que j’eus pitié de tout ! Tout me semblait amour, angélique promesse, charité qui franchit la mort. On persévère en soi bien longtemps : peut-être est-ce ma façon de survivre encor !
La nuit, me soulevant d’un lit tiède et paisible, m’accoudant au balcon, j’interrogeais les cieux, et j’échangeais avec la nue inaccessible le langage sacré du silence et des yeux (Anna de Noailles, Les Forces éternelles, 1920, pp. 97-99 & 117).
Le soir, saison quotidienne, Recouvre de son clair argent L’azur, et reste là, songeant, Jusqu’à ce que la nuit survienne. Le soir a le calme des lacs. La molle brise est un hamac Où, satisfaite, se balance La tranquille odeur du silence. Soudain, cris d’adieux, cris d’amour. D’oiseaux qui virent et chancellent : Tragique essaim ! Que quittent-elles A la rêveuse fin du jour Ces sanglotantes hirondelles ? Et voici la nuit peu à peu. Les blancs pétunias sirupeux Agglutinent le clair de lune. Les brises viennent une à une Et déversent leurs légers flots Dans ma fenêtre sombre et vague. Ainsi, aux abords d’un vaisseau, L’épaule froide et bleue des vagues Se hausse contre le hublot. Mais bientôt plus rien ne s’agite. Tout est rentré dans le repos Et semble avoir rejoint son gîte. Je regarde l’immensité… Turbulence des cieux d’été, Emportement des astres, course Des mondes, tranquille aspect De ces fortes, célestes sources, Comme vous répandez la paix Sur la terre où songent les hommes ! L’espace est naïf, économe, Avec son clair argent qui luit Fixement. Le divin problème Est stable et doux. Que je vous aime, O sombre jeunesse des nuits ! (Anna de Noailles, Poésie des soirs, 1920, p. 150-151).
« L’amour qui fait chanter les chanteurs et danser les amoureux est souvent confondu avec un sentiment. Le véritable amour est, quant à lui, bien plus que ce lien mystérieux qui unit deux personnes séduites l’une par l’autre on ne sait trop pourquoi. Il est une œuvre de liberté, et même la plus belle. Qu’est-il en effet sinon s’engager pour quelqu’un d’autre que soi ? Seule la liberté peut transformer le sentiment éphémère – précieux cependant – en un don de soi qui fait vivre l’autre. « Je ne suis pas amoureux de vous, je vous aime », lance Eric-Emmanuel Schmitt. Le sentiment amoureux est une invasion, l’amour véritable, une décision.
Amour et liberté, c’est tout un ! Pourquoi est-on libre sinon pour aimer et qu’est-ce qui rend libre sinon l’amour ? Quand la liberté n’est mesurée par rien d’autre qu’elle-même, elle devient folle. Amour et liberté séparés l’un de l’autre sont deux mots bien ambigus. La liberté peut être réduite à un refus de toute limite, un oubli du réel. Je m’envole dans mon petit univers privé, je fais comme je le sens. Et l’amour peut ne consister qu’à écouter mon cœur qui bat la chamade. Or, la liberté et le véritable amour sont tournés vers l’autre, sans que celui-ci ait toujours besoin de le mériter.
Il faut être assez libre pour continuer à aimer, même quand cela fait mal. Dans son récent livre, Consolation, Anne-Dauphine Julliand, l’auteur de Deux petits pas sur le sable mouillé, rapporte que Gaspard, son fils aîné lui demanda ce qui faisait le plus mal dans la vie. Et lui-même répondit : « Je crois que c’est l’amour. L’amour, ça fait toujours mal un jour » (p. 20). On reconnaît quelqu’un qui n’a jamais aimé au fait qu’il se débine chaque fois qu’il faut souffrir, disait un psychanalyste. L’amour dans toute sa pureté commence quand je donne à l’autre la permission de me déranger, quand je rencontre sa tristesse, sa peur ou sa douleur et que j’ai envie de le consoler. Aimer c’est répondre à l’appel de l’autre qui a besoin d’être aimé pour vivre. Jésus ira même jusqu’à parler de l’amour des ennemis. « Donner pour recevoir, c’est jeu d’enfant, écrit Rainer-Maria Rilke. Donner et recevoir à égalité, c’est grisant. Mais quand vient l’heure de donner sans recevoir, et même de recevoir du mal, et de rendre du bien, là se trempe l’Amour de l’autre. »
Aimer ses ennemis, leur pardonner, c’est le choix de ne pas répondre au mal par le mal ; c’est vouloir que l’autre vive alors que, s’il est vraiment mon ennemi, il voudrait que je disparaisse. Dans le couple lui-même, on peut en arriver à se comporter, d’une manière ou d’une autre, en ennemis. « Aime-moi lorsque je le mérite le moins, car c’est alors que j’en ai le plus besoin », dit un proverbe chinois. L’amour est un exercice de liberté toujours à reprendre ! » (Charles Delhez, s.j., L’amour et la liberté : https://www.cathobel.be/2021/02/lamour-et-la-liberte/).