De la guerre juste à la guerre sainte puis à la croisade

 Comment on passe
de la guerre juste 
à la guerre sainte
puis à la croisade ?
1) Au XIème siècle, les expéditions militaires étaient essentiellement un acte de solidarité de l’Occident à l’égard des frères d’Orient, menacés par l’expansion turque : une guerre justifiée par la Realpolitik, un moindre mal nécessaire pour des raisons géostratégiques.
2) Au gré de l’escalade des violences, c’est devenu une guerre sainte : en mourant dans les combats, vous devenez des martyrs de la foi chrétienne que vous protégez contre l’Islam.
3) Le terme de croisade n’apparaît qu’à la fin pour renforcer la justification de la violence : tuer et être tué devient méritoire ; cela assure le salut de votre âme.
X leçons du XIème siècle pour le XXIème siècle ?

Dans la guerre 40-45, « jamais dans son histoire l’homme n’a tant rivalisé avec le diable ni tant donné de leçon à l’enfer » (André Malraux).

La voie de résolution dans l’impasse Ukraine-Russie

L’impasse actuelle en Ukraine a des points de ressemblance avec la guerre que se menaient les Égyptiens et les Israéliens dans les années 70. Israël avait envahi le Sinaï, territoire égyptien, en riposte aux attaques arabes, et l’occupait par les armes pour se prémunir de toute attaque surprise des avions de chasse arabes.

Tant que le débat se résumait à déterminer qui va occuper le Sinaï, les pourparlers étaient complètement dans l’impasse, aucune des parties n’acceptant de perdre ! L’Égypte exigeait de recouvrer son entière souveraineté nationale sur le Sinaï. Pour elle, ce point est non négociable. Mais la sécurité l’est tout autant pour Israël !

L’impasse est dans le soit…, soit… : SOIT Israël continue d’occuper le Sinaï, SOIT l’Égypte le récupère. La solution est dans un ET…, ET… : comment faire pour que l’intégrité nationale de l’Égypte soit restaurée ET la sécurité israélienne garantie.  

En 1978, Jimmy Carter invite à Camp David les Égyptiens et les Israéliens, où ils passent plusieurs jours. Les médiateurs ont travaillé séparément avec chaque délégation, en se concentrant sur l’explicitation de ses intérêts. Ils en vinrent ainsi à négocier sur les intérêts légitimes et non sur les positions intransigeantes, en se demandant comment faire pour que l’intégrité nationale de l’Égypte soit restaurée et la sécurité israélienne garantie. Cette manière de formuler le problème ouvrit un processus de négociation sans perdant. Dans l’accord signé à Camp David, le Sinaï est retourné entièrement à l’Égypte et la sécurité d’Israël a été assurée par une vaste zone démilitarisée à la frontière et des dispositifs d’alerte rapide, au moyen des radars sophistiqués déployés par les forces des Nations Unies. Ceci est extrait de mon livre La méthode C-R-I-T-E-R-E pour mieux gérer nos conflits, Presses universitaires de Louvain, 2009, p. 275.

Plus la guerre tuera de personnes et détruira à tous les niveaux, plus les belligérants calculeront leurs progrès non pas selon leurs gains mais selon les pertes infligées à l’ennemi, plus ils s’éloigneront de ce processus de résolution Win-Win et plus il faudra du temps et de l’énergie pour revenir à ce processus incontournable d’honorer les besoins profonds et légitimes des parties.

Choisir l’essentiel : « Tu ne tueras pas », même si les autres le font

Une habitante de Kiev a eu cette semaine une vision dans un rêve : dans une ville détruite par la guerre, elle cherche sa famille. Jésus se rapproche d’elle et celle-ci lui demande de lui donner un coup de main. Jésus, de la croix, répond : « Tu ne peux pas faire les deux choses ensemble ; tu ne peux pas me crucifier et en même temps demander mon aide. Tu dois choisir : l’un ou l’autre. »

Quand cette personne s’est réveillée, après cette vision, elle a dit à tout son entourage qu’elle avait décidé de choisir l’essentiel. C’est le nonce apostolique à Kiev qui partage ce témoignage ce 11 mars 2022.


Choisir l’essentiel : « Tu ne tueras pas », même si les autres le font.


La non-violence choisit l’essentiel : si tous les habitants d’un pays décident de se tenir la main pour ne pas coopérer avec l’envahisseur, celui-ci ne pourra pas les soumettre et tirer profit de ses agressions violentes, d’autant plus si des milliards d’humains de la planète leur tiennent aussi la main, de là où ils sont. Ce ne sont pas les armes qui font la grandeur et l’héroïsme d’une personne, d’une nation, c’est 1) sa fermeté courageuse à ne pas coopérer aux injustices dont elle a conscience (et la guerre en fait partie), 2) sa capacité à comprendre et à reconnaître la vérité profonde de chaque partie, 3) l’art de créer un accord qui en tienne compte : cadre de droit, communication vraie et négociation efficace, pour une paix juste. Ne pas perdre le cap.

L’économie au service du bien commun

« L’économie n’est ni au service de la propriété privée et des intérêts individuels, ni au service de ceux qui voudraient utiliser l’État pour imposer leurs valeurs ou faire prévaloir leurs intérêts. Elle récuse le tout-marché comme le tout-État. L’économie est au service du bien commun, elle a pour objet de rendre le monde meilleur. À cette fin, elle a pour tâche d’identifier les institutions et les politiques qui promouvront l’intérêt général. Dans sa recherche du bien-être pour la communauté, elle englobe les dimensions individuelle et collective du sujet. Elle analyse les situations où l’intérêt individuel est compatible avec cette quête de bien-être collectif et celles où au contraire il constitue une entrave » (Jean Tirole, Économie du bien commun, 2016).

Je souhaite à chacun.e de nous du discernement dans cette tâche d’identifier et de contribuer aux institutions et aux politiques, autour de nous, qui rendent davantage l’économie au service du bien commun. Bon choix de vote présidentiel aux Français !

Pessimiste avec l’intelligence, mais optimiste par la volonté

« Le pessimisme est d’humeur, l’optimisme est de volonté » (Alain, Propos sur le bonheur, 1928).

« Le vieux monde se meurt, le nouveau monde tarde à apparaître et dans ce clair-obscur surgissent les monstres. […] Je suis pessimiste avec l’intelligence, mais optimiste par la volonté » (traduction littérale de l’italien : phrase d’Antonio Gramsci, extraite d’une lettre à son frère Carlo écrite en prison, le 19 décembre 1929 et reprise dans Cahiers de prison, 1948).

Antonio Gramsci se dit inspiré par Romain Rolland : « La conception socialiste du processus révolutionnaire est caractérisée par deux traits fondamentaux que Romain Rolland a résumé dans son mot d’ordre : pessimisme de l’intelligence, optimisme de la volonté » (Antonio Gramsci, Discours aux anarchistes, dans Ordine Nuovo, 3-10 avril 1920).

Portés et soutenus

« Même dans ces moments où tu es à terre, où tu ne sens rien d’autre qu’argile contre terre noire, tu n’es jamais seul. Tu as des milliers d’ancêtres puissants derrière toi, ceux qui ont traversé la vie sauvage et les terres désolées, les chagrins et les épreuves, et qui marchent avec toi maintenant ; ceux qui te portent dans l’étreinte noueuse et nouée de l’Arbre de Vie, et qui déposent une sombre graine de promesse dans tes cellules endormies.
Entends leurs voix fières. Leurs rêves et leurs conseils sont comme un clair de lune. Sens leurs mains aimantes te soulever des bords du désespoir, de la douleur ou de l’égarement, et t’amener à la clarté.
Écoute leur message : c’est le voyage qui est important, le chemin se fait en marchant, c’est là qu’est ta bonne étoile. Ainsi te remettent-ils doucement sur pied, …et dans la vie que tu es venu vivre ici » (Rachel Alana).

« Le témoignage des moines de Tibhirine est un acte fondateur qui inscrit en lettres de feu la non-violence dans la trame de notre histoire » (http://www.non-violence-mp.org/muller/HTML/tibhirine.htm).

Vers holorimes

Vers holorimes de Lucien Reymond :

Dans cet antre, lassés de gêner au palais,
Dansaient, entrelacés, deux généraux pas laids.

Au Café de la Paix, Grand-Père, il se fait tard.
Oh ! Qu’a fait de la pègre en péril, ce fêtard ?

Dans ton site sévère assistant sa prestance,
Danton cite ces vers, assis, stance après stance.

Travailleurs obéissants de la consommation ludique

« Il est important d’observer autour de nous à quel point notre société mobilise toutes les ressources de l’intellect pour persuader l’homme de masse, le « travailleur de la consommation », comme dit Günter Anders, de la valeur suprême des objets de la frivolité. C’est un travail de sape constant que de miner l’essentiel avec du superficiel.

Il engage tout d’abord de la part du sujet un type de perception hypnotique, qui substitue le réflexe à la réflexion. Il suppose le sabotage de tout ce qui comporterait ne serait-ce que l’ébauche d’une prise de conscience, l’évitement constant du sérieux par la dérision, le détournement systématique de la critique à des fins qui ramène encore et encore vers le profit. L’art de laisser croire à chacun qu’il dispose de son libre arbitre, tout en l’empêchant systématiquement de l’exercer » (Serge Carfantan).

Peut être une image de texte

Pour aller plus loin, je vous invite à lire sa réflexion sur
http://www.philosophie-spiritualite.com/cours/exist5.htm
qui déconstruit les discours de conditionnement aptes à
produire un consommateur obéissant et une ambiance
légère de convivialité ludique de consommation.

Demande d’asile et racisme

Le jour où je me suis retrouvé étranger en difficulté en terre inconnue, loin de chez moi, et que j’ai trouvé refuge chez des gens d’une hospitalité simple et spontanée, leur humanité m’a humanisé, elle m’a ouvert les yeux du cœur sur les réflexes européens de forteresse se croyant assiégée par ‘’toute la misère du monde’’…

« Il a fait fleurir le désert comme une rose, il m’a arraché à l’amertume solitaire de l’exil pour me mettre en harmonie avec le grand cœur blessé et brisé du monde » (Oscar Wilde, De Profundis).

« Secours-moi, sois mon ami, ô Bien-aimé, ne dors pas !
Ô rossignol enivré, ne t’endors pas dans la roseraie.
Protège les amis exilés, ne dors pas !
Cette nuit est la nuit de la libéralité,
sois attentif, ne dors pas.
Si tu désires l’éternité et la victoire, ne dors pas.
Brûle-toi à la flamme de l’amour de l’Ami, ne dors pas.
Plonge comme le seau dans les ténèbres du puits,
il se peut que tu arrives à la margelle du puits ;
ne dors pas » (Rûmi).

Image tirée de https://www.facebook.com/WearThe PeaceClothing/