Le soir, saison quotidienne,
Recouvre de son clair argent
L’azur, et reste là, songeant,
Jusqu’à ce que la nuit survienne.
Le soir a le calme des lacs.
La molle brise est un hamac
Où, satisfaite, se balance
La tranquille odeur du silence.
Soudain, cris d’adieux, cris d’amour.
D’oiseaux qui virent et chancellent :
Tragique essaim ! Que quittent-elles
A la rêveuse fin du jour
Ces sanglotantes hirondelles ?
Et voici la nuit peu à peu.
Les blancs pétunias sirupeux
Agglutinent le clair de lune.
Les brises viennent une à une
Et déversent leurs légers flots
Dans ma fenêtre sombre et vague.
Ainsi, aux abords d’un vaisseau,
L’épaule froide et bleue des vagues
Se hausse contre le hublot.
Mais bientôt plus rien ne s’agite.
Tout est rentré dans le repos
Et semble avoir rejoint son gîte.
Je regarde l’immensité…
Turbulence des cieux d’été,
Emportement des astres, course
Des mondes, tranquille aspect
De ces fortes, célestes sources,
Comme vous répandez la paix
Sur la terre où songent les hommes !
L’espace est naïf, économe,
Avec son clair argent qui luit
Fixement. Le divin problème
Est stable et doux.
Que je vous aime,
O sombre jeunesse des nuits !
(Anna de Noailles, Poésie des soirs, 1920, p. 150-151).